Robin : Year One – Javier Pulido et Marcos Martin

Robin : Year One est une mini-série en 4 épisodes qui a été publiée par DC Comics d’octobre 2000 à février 2001. Elle a été co-écrite par Chuck Dixon, un vieux routier de l’univers Batman des années 90, et Scott Beatty, lui aussi un habitué de DC et grand contributeur des « Ultimate Guide » que l’éditeur a consacrés à ses principaux personnages.

Aux dessins, on retrouve un autre duo dynamique : Javier Pulido (Amazing Spider-Man, Catwoman, Hawkeye, Human Target, She-Hulk) et Marcos Martin (Daredevil, Breach, The Private Eye) qui ne fera que compléter l’épisode final. L’encrage est quant à lui assurer par Robert Campella.

Ensemble, ils signent une histoire touchante sur les premiers pas de Dick Grayson, alias Robin, aux côtés d’un Bruce Wayne / Batman qui doit apprendre à composer avec son jeune protégé.

Une élégante ligne claire

Aucun doute dès les premières pages, on est ici très, très loin, du style de Jock sur Green Arrow : Year one. Les lecteurs distraits pourraient juger « cartoon » le style de Javier Pulido (ce qui n’est pas un mal, évidemment) mais je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette catégorisation. L’artiste est plus, pour moi, dans la veine d’un Alex Toth, Chris Samnee ou Tonči Zonjić, c’est-à-dire, un stylisateur réaliste.

Robin Year one - (c) DC Comics
Robin Year one – (c) DC Comics

Ce sont des dessinateurs qui, selon moi, savent créer une représentation simplifiée, épurée mais crédible des environnements, accessoires et personnages. Leurs traits sont effectivement sélectionnés avec soin et ils ne s’embarrassent pas des effets classiques du comics pour restituer les textures.

On ne trouve pas dans leurs dessins les multiples hachures de Jim Lee pour signifier le volume ou les méticuleux petits traits d’Arthur Adams pour marquer les pierres, les briques et autres éléments de décors.

Robin Year one - (c) DC Comics
Robin Year one – (c) DC Comics

Javier Pulido va à l’essentiel mais ne néglige pas les détails des costumes ou des décors. Les architectures sont soignées, les véhicules rutilants et les visages, très expressifs, sont variés sans être caricaturaux.

Le tout est aussi magnifiquement soutenu par l’encrage limpide et solide de Robert Campella. Les pleins et déliés sur les courbes sont superbes et donnent à l’ensemble une élégance qui fait penser aux maîtres Steve Rude ou Joe Sinnott.

Robin Year one - (c) DC Comics
Robin Year one – (c) DC Comics

Les prémices de l’abstraction des formes

Si vous avez suivi la carrière de Javier Pulido récemment (et j’espère que vous l’avez fait), vous avez dû remarquer que l’artiste s’est engagé dans une évolution assez proche de celle de Mike Mignola.

Comme le papa d’Hellboy, Pulido a de plus en plus dépouillé son dessin, pour rendre ses formes et ses compositions les plus graphiques possible. Et j’ai donc eu l’impression de détecter ici les prémices de cette évolution.

Robin Year one - (c) DC Comics
Robin Year one – (c) DC Comics

Petit à petit, ses aplats de noir prennent de la place dans la narration, pour mieux cerner les personnages, les faire ressortir ou les fondre, au contraire, dans le décor.

Ses corps deviennent régulièrement des silhouettes parfaitement proportionnées mais dont la musculature n’est ni saillante ni importante dans le design. Loin des canons habituels du comics, Pulido semble préférer la souplesse des corps à leur force brut.

Robin Year one - (c) DC Comics
Robin Year one – (c) DC Comics

Ce glissement vers l’abstraction se détecte aussi dans ses compositions : sans jamais paresser sur les décors, il sait les rendre discrets, voir les soustraire pour équilibrer une page ou une case.

Dans l’exemple ci-dessous, par exemple, il fait disparaitre l’environnement des personnages pour que le lecteur n’ait plus d’autre choix que de regarder frontalement le jeune Robin se faire violemment frapper par Harvey Dent / Double Face.

Robin Year one - (c) DC Comics
Robin Year one – (c) DC Comics

Le mouvement par excellence

Une des choses que je préfère chez Javier Pulido, c’est sa façon de créer du mouvement de façon old school et moderne à la fois.

D’un côté, on le voit utiliser des trucs à l’ancienne comme des doubles traits marquant les déplacements, des formes en étoiles pour signifier les impacts ou la décomposition en plusieurs images d’un personnage en mouvement.

Robin Year one - (c) DC Comics
Robin Year one – (c) DC Comics

Et de l’autre, il propose des idées totalement modernes, comme ces décadrages de Batman pour signifier des déplacements furtifs ou ces magnifiques jeux autour du déploiement des câbles de grappin.

Enfin, le dessinateur parvient à trouver quelques poses en apesanteur remarquables, même si on peut regretter à l’inverse quelques unes un peu trop statiques.

Robin Year one - (c) DC Comics
Robin Year one – (c) DC Comics

Premières expérimentations dans les compositions

Lorsque Javier Pulido dessine Robin : Year One, il possède déjà un style remarqué et remarquable mais il ne semble qu’au début de son voyage artistique. Il va, en effet, continuer d’évoluer et expérimenter de plus en plus dans ses découpages.

Ici, on retrouve cependant quelques pages révélatrices de cet envie et de ce talent. On y voit notamment comment il incruste des petites cases pour ponctuer sa narration de « focus » visuels qui rythment habilement l’action ou comment il restitue habilement un cauchemar traumatique de Robin.

Robin Year one - (c) DC Comics
Robin Year one – (c) DC Comics

Mais même si dans l’ensemble, Javier Pulido reste dans des structures de pages plus classiques, on perçoit son indéniable capacité à créer des enchainements limpides, fluides et jamais répétitifs.

Son storytelling reste donc inventif et donc toujours fascinant.

Robin Year one - (c) DC Comics
Robin Year one – (c) DC Comics

En conclusion

Robin : Year One n’est pas tout à fait une « œuvre de jeunesse » pour Javier Pulido car on détecte déjà chez lui une volonté de repousser les codes classiques du comics de l’époque et de glisser lentement mais surement vers plus d’originalité et d’expérimentation graphiques. C’est donc une lecture que je recommande pour son histoire efficace mais aussi pour découvrir comment un style né petit à petit sous nos yeux.

Robin Year one - (c) DC Comics
Robin Year one – (c) DC Comics