Crowded – Par Natacha Bustos

On a beaucoup parlé du scénariste Christopher SEBELA pour son comics SHANGAI RED mais connaissez-vous son autre comics, CROWDED ? Sans doute que non. Et pourtant, cette comédie d’action, fun et déjantée, devrait plaire à celles et ceux qui ont aimé « Il faut flinguer Ramirez ». Buddy Movie féminin volant sous une pluie de balles, Crowded mérite aussi le coup d’œil pour les planches survoltées livrées par un trio d’artistes inspirés.

L’histoire

(Crédits : Crowded – Images comics)

Imaginez une application dans laquelle les gens peuvent légalement commander votre assassinat. Et maintenant, imaginez-vous dans la peau de Charlie Ellison, une jeune femme excentrique, attachiante et au tempérament bien trempée, qui se réveille un matin avec un de ces contrats sur la tête. Pour y échapper, elle engage Vita (sans Slimane cette fois), une garde du corps pas chère mais très consciencieuse.

Ensemble, elle vont devoir survivre à 30 jours de traque par des tueurs professionnels et amateurs tous plus tarés les uns que les autres. A noter que le premier volume compte six épisodes formant un arc complet mais qu’un second volume est aussi sorti, avec la suite des aventures de Charlie et Vita.

Les auteurs

(Crédits : Crowded – Images comics)

Comme je le mentionnais précédemment, ce comics est écrit par Christopher SEBELA, qui s’est fait plus remarqué pour ses titres indépendants que pour ses passages chez Marvel (sur Captain Marvel) ou chez DC (sur Detective Comics).

Il est accompagné par un duo de dessinateurs que je ne connaissais absolument pas : Ro STEIN (une jeune femme) et Ted BRANDT. Après quelques recherches, il s’avère que le tandem a bossé sur Unstoppable Wasp et the Mighty Captain Marvel et sur le volume 3 de la série Princeless chez Action Lab. Leurs dessins survitaminés bénéficient en plus de la riche palette de couleurs de Triona FARRELL (Runaways, Mech Cadet Yu) et du lettrage de Cardinal RAE (BINGO LOVE, ROSE).

Le style de dessin

(Crédits : Crowded – Images comics)

Le trait de Ro STEIN et Ted BRANDT peut sembler, au premier abord, dans la lignée des artistes un peu cartoon comme Erica HENDERSON mais je trouve qu’il se rapproche plus de celui de Tradd MOORE, le virtuose artiste derrière la trilogie LUTHER STRODE chez IMAGE et la mini-série SILVER SURFER BLACK chez Marvel.

Comme lui, ils mettent en scène des personnages aux visages à la limite de la caricature, avec des grands yeux expressifs et des expressions faciales un peu exagérées. Pour autant, c’est toujours extrêmement maitrisé et cela devient même une force évidente de ce comics. Car en accompagnant ainsi chaque dialogue de la bonne posture ou expression, STEIN et BRANDT créent un véritable « jeu d’acteurs » chez leurs protagonistes et contribuent à leur donne vie et dynamisme.

La même logique s’applique d’ailleurs aux corps. Les deux dessinateurs veillent à garder les proportions réalistes mais ils en accentuent les courbes et les déforment dans l’action pour donner plus d’impact ou de vitesse.

(Crédits : Crowded – Images comics)

J’ai aussi beaucoup aimé les designs des personnages, y compris les plus secondaires. Restant toujours dans une veine réaliste et moderne, ils pensent les looks comme des éléments d’information sur les personnalités en présence et cela marche.

Mention spéciale à la tenue originale de la garde du corps Vita qui arbore une chemise blanche et une cravate (pour montrer son sérieux au travail, sans doute) sous un blouson jaune à bandes latérales noires, qui semble vouloir nous rappeler à quel point elle est bad-ass, via un petit clin d’œil à la tenue d’Uma Thurman dans Kill Bill (déjà un hommage au Bruce Lee du Jeu de la Mort.).

(Crédits : Crowded – Images comics)

Le duo apporte enfin un très grand soin aux décors et rien ne semble leur faire peur à ce niveau. Non seulement ils nous gratifient d’une superbe maison en coupe dont ils servent pour faire évoluer et dialoguer les personnages, mais ils veillent toujours à proposer des backgrounds réalistes, parfois originaux et remplis de détails. Ces efforts payent notamment lors des séquences d’action car ils savent alors exploiter la topographie des lieux pour construire la scène.

La colorisation

(Crédits : Crowded – Images comics)

C’est une palette très pop et très chaleureuse que nous propose Triona FARRELL et cela convient parfaitement au ton déjanté et humoristique de la série. D’ailleurs, j’ai eu le sentiment que ce choix avait été aussi fait pour coller à la personnalité de Charlie, la cible du contrat.

En effet, la jeune femme aux cheveux et au T-shirt roses semble toujours prête à s’amuser et à voir le côté fun de la vie, malgré la myriade de tueurs à ses trousses. Dés lors, le monde dans lequel on évolue semble tout aussi puéril, fantaisiste et sucré que pourrait en être la vision de Charlie.

Ce choix colorimétrique permet aussi de renforcer l’aspect comédie de l’ensemble en rendant la violence un peu plus cartoon, même si quelques scènes viennent rappeler les vies gâchées au passage.

J’ai donc globalement apprécié ce travail méticuleux mais je pourrais comprendre que certains lecteurs regrettent que les couleurs soient essentiellement posées en aplat et manquent souvent d’ombres, de volumes et d’effets.

Le découpage et la narration

(Crédits : Crowded – Images comics)

Dès les premières pages, on devine les deux principales caractéristiques des planches de CROWDED : denses et dynamiques.

Denses, tout d’abord, car l’équipe créative semble vouloir mettre deux fois plus de choses à chaque page : les scènes d’action sont bien découpées pour que chaque coup, tir ou carambolage soit bien rythmé. Les dialogues étant aussi très nombreux (trop, parfois), les artistes se sont donné la place de faire jouer leurs personnages, captant chaque réaction, chaque grimace, chaque one-liner.

Les nombreuses joutes verbales entre Charlie et Vita sont d’ailleurs plus intéressantes à suivre grâce à cela et il ne faut pas plus de trois pages pour cerner les principaux contours de leurs personnalités marquées et explosives.

(Crédits : Crowded – Images comics)

Ro STEIN et Ted BRANDT développent aussi mille et une astuce pour dynamiser au maximum la moindre scène. Les formats des cases et structures de pages varient tout le temps et ils mélangent allègrement des effets très graphiques et designs, avec des plans très anglés dotés d’une grande profondeur de champs.

J’ai particulièrement aimé leur inventivité dans les poursuites en voiture : les cases virevoltent comme les carrosseries, la vitesse est parfaitement restituée et on comprend toujours ce qu’il se passe.

Bref, CROWDED est un petit bijou d’énergie séquentiel qui ne se prend pas au sérieux mais vous offrira une véritable masterclass de découpage.

Les limites graphiques

Ce comics a les défauts de ses qualités, comme on dit. Certaines pages sont tellement chargées qu’il faut parfois bien se concentrer pour capter les petits détails et, en même temps, ne pas les laisser nous parasiter.

Les superpositions des cases ne sont simplifient pas toujours la lecture, de même que l’absence fréquente de bords de page.

Enfin, on pourra regretter parfois que le grand nombre de bulles viennent ralentir la lecture, alors que le découpage, lui, tend, sur la même planche, à vouloir, au contraire, nous faire aller plus vite.

En conclusion

(Crédits : Crowded – Images comics)

CROWDED est une très bonne comédie d’action comme on en trouve finalement peu dans les comics. Avec son concept drôle et originale, elle se permet en plus d’être graphiquement ambitieuse, sous ses traits un peu cartoon. Je vous en recommande donc chaleureusement la lecture, en VO du coup pour l’instant car il n’y pas de VF à ma connaissance.