J.G. Jones – WANTED


La mini-série WANTED a fait partie des premiers titres lancés par Mark Millar sous son label Millarworld et la recette était déjà posée : un « high concept » qui flirte avec l’univers de super-héros, une grosse dose de trash et de violence, quelques clins d’oeil racoleurs (le héros ressemble à Eminem et son alliée féminine à Halle Berry), le tout emballé sous une structure narrative alternant rebondissements, actions et « badass attitude ». Mais aujourd’hui, WANTED serait sans doute oublié si un film con mais fun du même nom n’en avait été tiré. Pourtant, l’ingrédient secret de WANTED, c’est son artiste : Jeffrey Glen (J.G.) Jones.

Wanted par JG Jones
Wanted par JG Jones

Je l’avais découvert sur la mini-série BLACK WIDOW (Marvel) sortie sous le label Marvel Knight et scénarisée par Devin Grayson. Son style proposait une impressionnante fusion entre réalisme des rendus et compositions très graphiques. Vous avez pu ensuite le voir sur MARVEL BOY (scénarisé par Grant Morrison) mais je vous invite surtout à découvrir les magnifiques couvertures qu’il a réalisées pour le comics hebdomadaire de DC Comics baptisé 52.

Sur WANTED, on retrouve les bases de son style mais en moins léché. Les lecteurs pourraient aisément d’ailleurs penser que ces planches sont l’œuvre de Bryan Hitch tant les similitudes sont nombreuses. Mais l’artiste n’y livre pas forcément son meilleur travail. Explications.

Ce que j’aime

La première chose que l’on note à la lecture de WANTED, c’est que J.G. Jones reste bien dans la veine réaliste qu’on lui connaissait. Décors, accessoires, costumes : tout y est bien pensé, bien designé. Les textures sont admirablement rendues, les détails des technologies et armes sont d’une grande précision et on retrouve des cases « en scope » qui n’ont rien à envier à The Authority ou The Ultimates en matière de représentations épiques des scènes d’action.

Ces dernières sont d’ailleurs assez bien découpées, jouant tout à la fois sur des (faux) effets de ralenti façon Matrix et sur la profondeur de champs. J.G Jones montre ainsi tout son talent pour capter des postures de personnages qui sont crédibles mais extraordinaires aussi.

Jones n’excelle pas d’ailleurs que dans les séquences de combat et son storytelling demeure parfaitement lisible tout au long du récit.

L’artiste profite aussi du concept de Millar pour proposer des designs de super-vilains à la pelle, certains étant des relectures à peine déguisés de bad guys connus de DC ou Marvel. Mais à chaque fois, il veille à conserver une vraie cohérence dans les costumes, continuant à ancrer le récit dans une réalité qui se voudrait très proche de la nôtre.

Enfin, on peut saluer son encrage et sa gestion de nombreux jeux d’ombres qui donnent à l’ensemble un côté « polar brutal » qui l’éloigne des univers généralement plus lumineux des super-héros des Big Two.


Ce que j’aime moins

La première chose qui m’a gêné est l’inconstance dans les visages des personnages. Je ne sais pas si c’est dû à l’idée (ou la contrainte) de coller aux faciès d’Eminem et Berry (ou Tommy Lee Jones, plus tard dans le récit) mais les héros du récit ont bien souvent des traits qui varient un peu trop d’une page à une autre. Cela ne nuit pas à leur identification mais on se dit souvent que leurs expressions faciales ne sont pas claires quant à ce qu’elles sont censées exprimer.

J’ai aussi noté que la qualité des planches en matière de détails et de réalisme variait pas mal. Le niveau reste globalement élevé, c’est certain, mais certaines cases sont clairement sacrifiées et expédiées par rapport à d’autres, jugées sans doute plus importantes. C’est d’autant plus visible que les précédents travaux de Jones détonaient justement par cette constance qualitative.

Par ailleurs, j’ai regretté que l’artiste ne poursuive pas ses expérimentations en matière de composition des pages comme sur BLACK WIDOW. Il avait, à l’époque, plus d’audace graphique et proposait (comme le fit plus tard Travis Charest sur Wild C.A.T.S) des constructions de planches mêlant du séquentiel traditionnel avec des cases et l’inclusion d’images disruptives mais esthétiques.

Enfin, ma dernière critique ne concernera pas directement J.G Jones mais la colorisation du pourtant talentueux Paul Mounts. Je trouve que sa palette ici a très mal vieillie et ne complimente pas toujours le dessin de Jones. Outre l’application d’ambiances chromatiques dont on saisie mal la cohérence, Mounts applique aussi sur plusieurs planches des effets et des ombres qui ne sont pas toujours raccords avec la gestion des ombres faite par Jones. Cela rend malheureusement de nombreuses pages moins lisibles car surchargées par une couche de couleurs envahissante et lourdingue.