Batman : the comics adaptation – Jerry Ordway

Les adaptations en comics de films sont, pour moi, bien souvent, frustrantes. Je n’y retrouve pratiquement jamais l’esthétique qui m’a plu dans le film, la ressemblance avec les acteurs ou encore le rythme même de l’œuvre.

Mais quand je me suis plongé dans cette nouvelle édition de la transposition du Batman de 1989, j’ai directement entendu dans ma tête le thème d’ouverture de Danny Elfman…

Publication et histoire

Batman : the official comics adaptation #01 est un récit complet publié en août 1989, soit deux mois après la sortie du film aux USA et quelques semaines avant la sortie française.

Ce comics est bien évidemment basé sur le scénario du long-métrage. Il propose même quelques légères altérations dans le final, dues au fait qu’il était trop tard pour les artistes d’intégrer les cuts de dernières minutes de la version cinéma.

Batman : the official comics adaptation (DC Comics)
Batman : the official comics adaptation (DC Comics)

On y retrouve donc l’origin story du Joker, autrefois Jack Napier, un criminel à la solde du puissant Carl Grissom ainsi que l’enquête de la journaliste Vicky Vale, lancée sur les traces du mystérieux Batman et dans les bras du milliardaire Bruce Wayne.

Le célèbre scénariste Dennis O’Neil rédige le versant comics du scénario original de Sam Hamm et Warren Skaaren. Les dessins sont signés du légendaire Jerry Ordway, avec des couleurs du tout aussi connu Steve Oliff. A noter d’ailleurs qu’Ordway réalise, comme à son habitude, de sublimes couvertures peintes.

Batman : the official comics adaptation (DC Comics)
Batman : the official comics adaptation (DC Comics)

Jerry Ordway, l’homme de la (super)situation

Si vous n’avez pas lu de comics avant les années 2000, vous êtes sans doute passé à côté du talentueux Jerry Ordway. Et c’est bien dommage car l’homme a été un architecte important de DC Comics dans les années 80.

Ordway a participé à des événements majeurs comme Crisis on Infinite Earths, comme encreur de George Perez. Il a aussi contribué à la relance de Superman avec John Byrne.

L’artiste a d’ailleurs présidé à la destinée du Kryptonien pendant plus de 7 ans. Il a même cumuler les fonctions de scénariste, dessinateur et encreur sur une des séries régulières de Kal-El.

Superman par Jerry Ordway (DC Comics)
Superman par Jerry Ordway (DC Comics)

Mais Ordway est aussi un amoureux de l’univers classique de DC Comics. Il a ainsi contribué à remettre sur le devant de la scène des héros plus anciens et moins connus.

En 1981, il a encré Rich Buckler pour la relance de la Justice Society of America dans All-Star Squadron (écrit par Roy Thomas).

Puis, en 1994, il orchestre en solo cette fois-ci, le grand retour du Captain Marvel originel.

Un revival remarqué de Captain Marvel / Shazam

Pour rappel, celui qu’on appelle désormais SHAZAM était un héros créé en 1939 par l’artiste C.C. Beck et le scénariste Bill Parker pour le compte de l’éditeur Fawcett Comics.

Mais DC qui clamait que le personnage était une copie de leur Superman. Sous la pression d’une action judiciaire, Fawcett dut se résoudre à en céder les droits partiellement puis totalement à DC.

The Power of Shazam (DC Comics)
The Power of Shazam (DC Comics)

Ordway commence donc par publier « The Power of Shazam », un superbe graphic novel de 96 pages. Il l’écrit, le dessine ET le peint intégralement.

Puis, face au succès, il enchaine avec une série du même nom qu’il scénarise et illustre ponctuellement. Il y livre surtout un festival de couvertures superbes qui rappelle, s’il en était besoin, à quel point sa précédente carrière d’illustrateur de magazine  lui a donné des bases solides en matière de réalisme.

Et c’est ce qui, selon moi, en faisait l’artiste parfait pour cette adaptation du film de Tim Burton.

Batman : the official comics adaptation (DC Comics)
Batman : the official comics adaptation (DC Comics)

Une fidélité exemplaire à l’esthétique du film

La première chose qui frappe lorsqu’on découvre les planches de ce comics est la ressemblance entre les cases et les images du film.

A l’exception de quelques cases, Ordway parvient à restituer avec un talent incroyable les visages et expressions des acteurs principaux.

Mention toute spéciale à ces portraits du Joker. Le dessinateur arrive à retranscrire la moindre mimique du faciès de jack Nicholson.

Batman : the official comics adaptation (DC Comics)
Batman : the official comics adaptation (DC Comics)

Peinant un peu sur Keaton et Basinger, il réussit le tour de force de transposer à l’identique l’ensemble du casting. Il utilisa sans doute des références photos mais on n’a pas l’impression qu’il se contente de tracer les visages à la Greg Land.

Ce réalisme ne le limite pas d’ailleurs aux comédiens.

Batman : the official comics adaptation (DC Comics)
Batman : the official comics adaptation (DC Comics)

La direction artistique du film se retrouve fidèlement transposée tout au long du récit. On peut donc admirer la Batcave avec ses multiples écrans, les passerelles enfumées de l’usine Axis Chemicals, la façade métallique du Flugelheim Museum ou encore la superbe cathédrale de la scène finale.

Ce souci du détail est d’ailleurs particulièrement savoureux lorsqu’il s’agit de l’équipement du Chevalier Noir.

Le costume est ainsi une parfaite réplique de celui du film, avec notamment cette cagoule rigide aux sourcils froncés. On retrouve aussi les divers gadgets et grappins, sans oublier la sublime Batmobile.

Batman : the official comics adaptation (DC Comics)
Batman : the official comics adaptation (DC Comics)

Ce respect de l’iconographie originale est d’autant plus important qu’il permet de créer une nouvelle incarnation graphique du Dark Knight. Cela montre que celle-ci, pourtant issue d’un film live, fonctionne parfaitement dans des pages de comics.

Un encrage d’une incroyable finesse

Comme je le disais précédemment, Jerry Ordway a commencé chez DC comme encreur. Il a pu, en plus, travailler sur les planches des plus grands, de Carmine Infantino à Dave Cockrum, en passant par John Byrne et Eduardo Barreto.

Inutile donc de préciser que l’homme possède une plume assurée et précise, qui fait ici des merveilles.

Mais pour bien s’en rendre compte, il faut plutôt regarder les scans des planches originales que l’éditeur a eu la bonne idée de compiler dans cette édition anniversaire.

Batman : the official comics adaptation (DC Comics)
Batman : the official comics adaptation (DC Comics)

En effet, les pages de la version couleurs semblent avoir été légèrement agrandies ou moins bien restituées. On remarque ainsi que les traits, pourtant d’une grande finesse dans les planches d’origine, sont ici plus épais, voir plus grossiers.

Mais la contemplation des pages originales ne laissent aucun doute sur la précision des textures et reflets que Jerry Ordway arrive à restituer. Son travail aux traits fins fait des merveilles tout au long de l’album et particulièrement dans deux scènes.

Batman : the official comics adaptation (DC Comics)
Batman : the official comics adaptation (DC Comics)

Celle du flashback de la mort des parents de Bruce, tout d’abord, dans laquelle l’artiste recrée parfaitement l’ambiance brumeuse de Crime Alley.

Puis celle de l’affrontement final dans la cathédrale, où nos yeux profitent de la profusion de détails dans les décors et du superbe travail de texturisation des éléments comme la cloche ou les poutres.

Batman : the official comics adaptation (DC Comics)
Batman : the official comics adaptation (DC Comics)

Un découpage classique et presque trop respectueux

Face à tant de rigueur et de talent, difficile de trouver un bémol à cette adaptation.

Mais je vais quand même en mettre un au découpage en général. En effet, on sent que Jerry Ordway est pris en étau entre le fait de faire tenir en 96 pages un script chargé et celui de reprendre telles quelles des images directement sorties du film.

Batman : the official comics adaptation (DC Comics)
Batman : the official comics adaptation (DC Comics)

Si l’ensemble reste clair et parfaitement lisible, on perd cependant en dynamisme et les cases s’enchainent parfois comme des vignettes indépendantes, sans que l’artiste ne parvienne à y apporter un souffle séquentiel supplémentaire.

En conclusion

L’adaptation comics du Batman de 1989 s’adresse donc aux fans du film de Burton mais aussi à celles et ceux qui ont envi de découvrir le talent de Jerry Ordway.

Je sais que son style pourra paraitre old school aux lecteurs d’aujourd’hui mais pour mieux apprécier les comics, il faut savoir aussi s’intéresser aux styles graphiques qui ont parcouru leur histoire.

Et si vous voulez replonger dans cette version de Batman, sachez que DC la propose de nouveau dans une nouvelle série lancée récemment et baptisée Batman ’89, avec le fantastique Joe Quinones au dessin.

Batman : the official comics adaptation (DC Comics)
Batman : the official comics adaptation (DC Comics)