Middlewest est un autre titre scénarisé par Skottie Young et dessiné cette fois-ci par Jorge Corona. On retrouve à nouveau Jean-François Beaulieu à la couleur, mais dans un registre légèrement différent comme on le verra plus loin.
L’histoire nous embarque dans les aventures d’Abel et de son renard baptisé Fox, alors qu’ils traversent une version magique et fantaisiste du Middlewest américain. Ils vont y rencontrer une galerie étrange de personnages, mêlant imagerie de l’Amérique de la grande dépression et heroic fantasy. Mais le récit met surtout en évidence le thème de la violence intra-familiale et des conséquences qu’elle peut avoir sur celles et ceux qui en sont victimes.
Middlewest n’est donc pas aussi fun et léger que le run autour du magicien d’Oz que Skottie Young a illustré pour Marvel. Si son univers visuel est riche et délirant, le récit reste marqué par les drames traversés par les personnages et par une tension latente.
Un trait plus brut et anguleux
Des lecteurs distraits ont peut-être cru au début que Skottie Young avait assuré le dessin sur cette série. Et ce serait une confusion compréhensible tant le style de Jorge Corona se situe dans la lignée de l’auteur de I hate Fairyland.
Pourtant, je trouve qu’il évoque plus précisément le style de Young à l’époque de ses premières planches sur la Magicien d’Oz. On y retrouve des traits rapides, presque esquissés parfois, avec des personnages au design moins arrondi.
Jorge Corona a même un coup de crayon plus anguleux, qui rappelle celui de Rob Guillory, dessinateur de la série Chew. Cela se traduit par des mâchoires carrées, des silhouettes plus géométriques mais aussi par un manque de courbes dynamiques dans les postures.
Et son style d’encrage ne rend d’ailleurs pas forcément service à ses crayonnés…
Un encrage un peu trop fin
J’ai trouvé, en effet, que le type d’encrage choisi par Jorge Corona renforcé parfois trop le côté esquissé du dessin et surtout, n’apportait pas suffisamment de variété dans les épaisseurs de traits pour donner de la profondeur.
j’ai ainsi eu souvent l’impression que les personnages et les décors étaient encrés avec une ligne trop similaire, ce qui ne permet pas toujours de voir les protagonistes bien se détacher des arrières-plans très détaillés.
Corona semble aussi se reposer énormément sur la couleur de Beaulieu en ce qui concerne les éclairages. Sa gestion des ombres et des aplats des noirs ne m’a pas paru toujours cohérente ou constante. Il oscille trop, selon moi, entre certaines pages où les ombres apportent du volume et aident à la composition, et d’autres pages très avares en encrage et qui paraissent alors plus plates.
Un worldbuilding passionnant
Rassurez-vous, je ne vais pas descendre en flèche le travail de Jorge Corona, vous savez depuis le temps que ce n’est pas trop le style de la maison.
Ce qui a finalement retenu le plus mon attention dans ses planches, c’est sa capacité à construire un monde visuellement intriguant, original et multi-référencé. On trouve, en effet, dans les pages de Middlewest des mecha en retro-techologie, des trolls, des tempêtes vivantes, des fêtes foraines et des petites villes américaines typiques. Et le talent de l’artiste est de faire que, par ses designs, tout semble appartenir de manière organique au même univers.
Il y a notamment un soin tout particulier apporté aux décors. Leurs designs sont à la fois réalistes et très originaux, souvent enrichis de petits détails caractéristiques de ce monde où tout semble bricolé, assemblé et rafistolé.
On se prend donc rapidement à vouloir continuer l’exploration de ce Middlewest fantasmé et c’est une belle réussite pour un récit d’aventure.
Une colorisation toute en finesse dans les éclairages
Je ne vais évidemment pas vous redire tout le bien que je pense de la colorisation de Jean-François Beaulieu. Mais je trouve qu’il montre ici – comme c’était le cas dans la saga Oz – qu’il sait rendre des planches colorées mais surtout parfaitement éclairées.
Car il est indéniablement l’équivalent d’un excellent directeur photo de cinéma qui crée les ambiances nécessaires à chaque scène pour à la fois en faire ressentir l’émotion mais aussi pour mieux guider le regard du lecteur.
Il ne se contente pas de coloriser ce qui est dessiné mais construit, au même titre que Young et Corona, l’identité du titre en lui apportant plusieurs palettes pour mettre en avant le merveilleux, la nostalgie ou le drame qui traversent cette histoire.
Je vous invite d’ailleurs à regarder de plus prêt son travail sur les textures, tout en petits coups de pinceaux numériques discrets mais utiles, qui montre qu’il n’a rien à envier au grand Dave Stewart.
MIDDLEWEST est donc une série visuellement intéressante mais qui reste, selon moi, un peu en dessous des autres autres travaux scénarisés par Skottie Young, faute de faire une proposition graphique plus maîtrisé au niveau du dessin. J’ai cependant hâte de retrouver le trio sur leur nouvelle série, THE ME YOU LOVE IN THE DARK, une histoire gothique et fantastique qui semble plus adaptée au trait de Jorge Corona.
