BULLY WARS est un comics paru en 2019, que l’artiste / scénariste Skottie Young co-signe avec le dessinateur Aaron Conley et dont la couleur est assurée par l’incroyable Jean-François Beaulieu.
Cette mini-série délirante en 5 épisodes met en scène un concours entre des bullys, soit des adolescents brutaux qui se font le plaisir de martyriser les autres élèves. Mais quand l’une de ces brutes se retrouve à son tour victime, il va devoir s’allier avec ses anciens souffre-douleurs pour mettre fin aux agissements du plus cruel des tortionnaires du lycée.
Un petit air de cartoon des 90’s
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le style graphique de BULLY WARS est en totale rupture avec la plupart des comics !
Dès les premières pages, on a l’impression de se retrouver plongé dans un dessin animé des années 90 façon les RAZMOCKETS (RUGRATS) ou HEY ARNOLD! On y retrouve des personnages aux proportions exagérées, construits autour de traits extravagants et de caractéristiques originales comme leur coupe de cheveux ou la forme de leurs corps.
Les visages sont assez caricaturaux, pas vraiment beaux mais formidablement expressifs et pleins de vie. Les designs sont aussi bien pensés pour nous permettre immédiatement d’identifier la personnalité des protagonistes et ils nous proposent aussi une jolie variété de héros, loin des stéréotypes.
Un univers joyeusement barré
Même si le sujet des enfants harcelés par d’autres est malheureusement trop souvent d’actualité, les auteurs nous plongent rapidement dans un univers suffisamment décalé et fantaisiste pour qu’on comprenne que le récit va s’éloigner de la réalité et partir en vrille.
Et si Skottie Young parvient à nous faire repartir avec quelques scènes touchantes, il s’évertue avant tout à donner à Aaron Conley de quoi libérer son imagination visiblement bouillonnante.
Les accessoires et décors sont des versions un peu décalées de ceux que l’on connaît, la technologie est subtilement futuriste et alambiquée et on va croiser tour à tour des monstres tentaculaires, des pièges mortels, des tsunami de vomi et des dizaines d’autres petites idées plus cinglées les unes que les autres.
Un découpage plus ambitieux que la normale
Mais ce qui m’a le plus plu visuellement dans ce comics, ce sont ces ambitieux découpages qui viennent régulièrement nous coller un gros sourire béat sur les lèvres.
BULLY WARS propose, en effet, des pages ou des double pages vraiment innovantes qui mixent habilement une construction purement graphique et un storytelling malin et clair.
Souvent fourmillantes de nombreux détails hilarants, ces petites merveilles ludiques rappellent que les comics peuvent exploser tous les gaufriers à 9 cases et autres “format scope hérité du cinéma” pour offrir à leurs lecteurs des expériences visuelles riches et originales.
Beaulieu et belles couleurs
Troisième star discrète mais indispensable de ce comics, le coloriste canadien déploie tout son talent pour proposer une palette variée, dynamique et plus complexe qu’il n’y paraît.
Si on peut croire un peu hâtivement qu’il se contente de balancer toutes les couleurs vives à sa disposition, un examen plus attentif montre à quel point Beaulieu sublime la dimension cartoon de l’univers de Bully Wars pour y apporter une myriade de textures et d’effets qui donnent beaucoup de chaleur et de consistance à ce monde.
Il se révèle aussi capable de donner plus de lisibilité à la folie des planches de Conley en associant subtilement les couleurs les plus pêchues avec d’autres plus discrètes ou froides.
BULLY WARS est donc un comics fun, sans prétention mais suffisamment innovant et ambitieux au niveau de son style graphique pour mériter qu’on lui donne sa chance. Car les comics cartoon méritent eux aussi qu’on cesse de les martyriser et qu’on leur donne enfin une chance d’exister dans ce paysage dont ils contribuent à élargir l’horizon.
