Killadelphia – Par Jason Shawn Alexander [vidéo]

Killadelphia est une série horrifique et vampirique, chargée de violences graphique et sociale. C’est un comics magnifique qui m’a enthousiasmé et même un peu ému (ce qui est rare pour un comic book).

Intitulé « Sins of the Father » (« les péchés du père »), ce premier tome de 170 pages a été publié chez IMAGE COMICS mais ne semble bizarrement pas encore programmé pour une publication française. [attention aux spoilers]

Vous avez la flemme de lire l’article ? La vidéo ci-dessous est pour vous et fait juste 8 min ! Attention, elle n’est pas sous-titrée.

Sinon, bonne lecture !

L’histoire

Killadelphia cover 01
(Crédits : Killadelphia épisode 01 – Image comics)

KILLADELPHIA raconte l’histoire de Jimmy Sangster Jr, un flic afro-américain de Baltimore qui revient à Philadelphie pour les obsèques de son père, James Sangster Sr.

Ce dernier était un détective à la carrière prestigieuse, qui a perdu la vie brutalement lors d’une enquête sur des personnes disparues.

Au départ, le fils avoue être soulagé de la disparition de ce paternel avec lequel il avait coupé les ponts et dont il garde des souvenirs d’enfance douloureux…

Killadelphia - Jimmy Sangster Jr

Mais les choses vont basculer lorsque Jimmy trouve un carnet de notes dans lequel le vieux détective consignait ses pensées sur des affaires en cours.

Intrigué, il rend visite à Jose Padilla, la médecin légiste en chef avec laquelle son père travaillait. Elle lui explique que certains des disparus ont été retrouvés morts, exsangues et le corps couvert de morsures humaines.

Jimmy va donc reprendre l’investigation menée par son père et se retrouver face à une large conspiration impliquant des vampires et une figure historique des Etats-Unis.

Ce sera aussi l’occasion pour lui de redécouvrir son père, de façon plus qu’inattendue…

Les auteurs

Killadelphia - couverture du TPB
(Crédits : Killadelphia – couverture du TPB)

Le scénario est signé Rodney BARNES, un scénariste et producteur de télévision qui a bossé sur le dessin animé The Boondocks, et les séries live de Runaways (adaptation de Marvel) et American Gods.

Au dessin, on trouve Jason Shawn Alexander qui s’est illustré notamment sur Gotham Central, Hellboy et surtout Abe Sapien. Il est aussi l’auteur du comics visuellement époustouflant EMPTY ZONE qui est dans ma liste « à lire ».

Les couleurs sont assurées par Luis NCT qui n’est pas seulement un coloriste de talent puisqu’il a aussi dessiné deux graphic novels, « sleepers » et « wahcommo » qui est sorti en France en 2019.

De l’horreur sociale

Killadelphia - James Sangster enquête
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

L’atmosphère de KILLADELPHIA est réaliste et contemporaine, dans la lignée, par exemple, de 30 JOURS DE NUIT de Steve Niles et Ben Templesmith, une autre série confrontant un petit bout d’Amérique à une menace vampirique.

La tonalité de l’histoire est clairement lourde et dramatique, marquée par le deuil du personnage principal, Jimmy Sangster Jr, et par le poids de sa relation conflictuelle avec son père.

Killadelphia - les vampires attaquent
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

La notion de mort ou de fin est d’ailleurs aussi présente sous d’autres formes. Beaucoup de personnages font, en effet, le deuil de quelque chose : celui d’un rêve idéologique, d’actes manqués ou d’une vie tout simplement ratée.

Mais les artistes veillent surtout à donner à leur vague vampirique une portée symbolique. La question du racisme n’y est pas traitée à travers la violence subie mais plutôt sous l’angle de l’indifférence générale dont sont victimes les disparus issus des minorités.

Killadelphia - Les vampires nudistes, ça existe
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

Utilisant carrément un président américain ayant réellement existé comme un de ses personnages, KILLADELPHIA ne cache pas son envie de faire de son récit une métaphore politique des Etats-Unis.

Il y a tout d’abord le fait que la propagation du vampirisme est vue par les antagonistes du récit comme un moyen de « nettoyer la ville » en ralliant, plus ou moins de force, les personnes les plus délaissées par la société.

Killadelphia - allumez le feu
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

Ce mouvement de suceurs de sang affiche aussi sa volonté de « rendre l’Amérique grande à nouveau », allusion efficace mais peu subtile au populisme qui a su progresser aux Etats-Unis.

Les attaques des vampires sont parfois même représentées comme des émeutes sanglantes qu’il faut contenir par le feu.

Killadelphia - des secondes rôles très intéressants
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

Les auteurs ne sombrent pas pour autant dans le prêchi-prêcha ou le manichéisme des idéologies.

Ils se permettent même de créer un personnage plus désabusé que les autres et qui pose la question de la pertinence de balayer le système actuel… pour le remplacer, au final, par un autre.

Mais au-delà de ces réflexions intéressantes, KILLADELPHIA propose aussi un ton plus intimiste en s’attachant à présenter des portraits assez précis de ses protagonistes.

Killadelphia - une très jeune et dangereuse vampire
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

Le récit sait s’attarder sur les sentiments et les doutes des héros (et ennemis), en en soulignant habilement les contradictions, les faiblesses et les défauts.

L’intrigue sert d’ailleurs toujours à faire progresser leurs parcours personnels et superpose facilement une épique invasion urbaine de vampires et des discussions plus touchantes entre les personnages.

Killadelphia - une relation père fils compliquée
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

A ce titre, le traitement de la relation père / fils est remarquable. Les auteurs en décrivent toute la complexité et confrontent les deux héros à la difficulté de pardonner ou de faire le premier pas vers la réconciliation.

La série rappelle que la perte d’un parent est aussi la disparition de la dernière chance de réparer, d’améliorer ou de sauver une relation.

Le style de dessin

Killadelphia  - le sang commence à couler
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

Les planches de KILLADELPHIA rappellent les travaux de Bill Sienkewicz, Jock, David Mack ou Ben Templesmith.

C’est, en effet, un mélange entre des représentations réalistes d’humains et une stylisation épurée et très graphique des corps et des compositions.

Jason Shawn Alexander créé ainsi une sorte de réalité alternative et cauchemardesque, où des visages photoréalistes côtoient des faciès de vampires se résumant à des yeux brillants et des crocs acérés.

Killadelphia - le calme avant la tempête
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

KILLADELPHIA impose aussi un climat froid, oppressant et fait ressentir la décrépitude urbaine de la ville à travers des plans détaillés de décors clefs.

L’ambiance transpire le film noir et le thriller à la Seven mais les artistes arrivent à proposer des respirations visuelles, inattendues mais bienvenues, notamment dans des scènes émouvantes.

Killadelphia - oh attention chérie ça va trancher
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

On comprend vite que le but de l’artiste n’est pas de représenter le plus fidèlement possible les environnements mais plutôt de créer une composition très viscérale, très brutale.

Ses découpages sont classiques et ses cadrages oscillent entre perspective élaborée et illustrations presque à plat.

Mais l’ensemble fonctionne toujours et les pages de ce volume sont riches en images qui vous hanteront encore après la lecture.

La colorisation

Killadelphia - le réveil des vampires
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

Le travail de Luis NCT doit, lui aussi, être salué. J’ai trouvé sa mise en couleur d’une beauté incroyable.

Collant parfaitement au trait de Jason Shawn Alexander, le coloriste passe de rendus photographique à des teintes crépusculaires, tout en gardant une cohérence absolue tout au long du volume.

Killadelphia - entre la vie et la mort
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

 Il donne à chaque scène une tonalité juste, renforçant l’effroi par des rouges sales ou soulignant l’émotion par des teintes délavées et vieillies.

Il maitrise particulièrement bien les ambiances froides qui viennent, ici, rendre la ville encore plus inquiétante.

Les limites graphiques

Killadelphia - combat à la morgue
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

S’il fallait cependant trouver un défaut à ces planches, je citerais l’aspect un peu rigide des postures des personnages dans certaines scènes d’actions, notamment l’une des toutes premières dans la morgue.

La violence est bien restituée mais le dynamisme n’est pas toujours au rendez-vous, même si le travail sur les formats des cases compense un peu.

En conclusion

Killadelphia - tout commence par la mort
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

KILLADELPHIA Volume 01 est donc une lecture que je vous recommande fortement, tant pour son histoire que pour sa beauté graphique.

Ne vous laissez pas rebuter par l’impression que la série est trop verbeuse. J’ai été agréablement surpris par la façon dont le style concis, touchant et juste de Rodney BARNES arrive à rendre la lecture très fluide et rapide.

De plus, ce premier volume peut se lire comme une histoire finie, même si évidemment, des portes sont ouvertes pour une suite. J’ai d’ailleurs le volume 02 sous le coude et j’espère pouvoir l’attaquer très vite !

Killadephia - le fight club des vampires
(Crédits : Killadelphia – Image comics)
Killadelphia - la beauté macabre
(Crédits : Killadelphia – Image comics)

Et vous, avez vous lu et aimé cette série ? Dites-le moi dans les commentaires !