4 artistes au style “noir épuré”

Ma sélection du jour : Chris Samnee, Goran Parlov, David Mazzuchelli et Alex Toth.


Chris Samnee

C’est un artiste assez unique stylistiquement et je suis un très grand fan de son travail. Je l’ai découvert tout d’abord chez Vertigo (DC) sur un graphic novel de crime baptisé Area 10. Son style y était déjà élégant et fortement emprunt de jeux d’ombres mais il était beaucoup plus réaliste. Mais c’est avec son travail sur la formidable et très drôle mini-série THOR : The Mighty Avengers que je suis définitivement tombé sous le charme.

Car c’est là que j’ai vu comment il était capable de styliser avec une grande énergie ses personnages et décors. En quelques traits, Samnee nous offre des visages expressifs et reconnaissables et sait rendre chaque texture crédible. Ce qui est fascinant, c’est qu’il a, par la suite, fusionné ces deux approches en développant un style original dans le comics moderne, mêlant une épure très cartoon et des ombres très présentes. Ce mix lui permet d’exceller dans le dynamisme des scènes d’action tout en ancrant (jeu de mot voulu) chaque case dans un monde réaliste.

A lire : The Mighty (Dark Horse), Daredevil et Black Widow par Mark Waid, Fire Power (Image), Thor : The Mighty Avengers.


Goran Parlov

D’origine croate, Goran Parlov a fait ses armes graphiques en Italie, ce qui explique peut-être pourquoi son style de dessin et d’encrage rapide m’a souvent fait penser à des pages de « fumetti » (BD en Italie) tels que Diabolik, Dylan Dog ou Martin Mystère. Parlov a d’ailleurs bossé sur le titre Nick Raider qui se plaçait dans le même style de personnages que ces deux derniers. Mais c’est sur la série PUNISHER de Garth Ennis que je l’ai découvert et, immédiatement, j’ai adoré son dessin. Il arrivait pourtant après une belle brochette de dessinateurs mais son style semblait parfait pour ce comics over-the-top.

Goran Parlov est, en effet, capable de restituer n’importe quel environnement et accessoire avec une simplicité dans le trait qui n’a d’égale que la crédibilité immédiate qu’il leur donne. Parlov réussit à représenter des détails précis avec un encrage qui semble rapide et lâché, ce qui fait que toutes ses pages sont dynamiques, jamais figées. De plus, il sait exagérer juste ce qu’il faut les formes et visages de ses personnages pour les rendre uniques et reconnaissables, tout en conservant un réalisme indéniable. Qui d’autre que lui aurait pu ainsi représenter le personnage de Barracuda, le nemesis déjanté de Franck Castle, sans sombrer dans le ridicule ?

A lire : The Punisher (Marvel Max), Barracuda, Starlight (Millarworld), Fury (Marvel Max), 5 Ronin (Marvel), Hit-girl season 2 Hong Kong (Millarworld).


David Mazzuchelli

Peu d’artiste de comics ont réussi à devenir aussi connus et légendaires que David Mazzuchelli en si peu d’œuvres. Il aura suffit de la mini-série BATMAN : YEAR ONE et de deux passages sur Daredevil (dont le célèbre arc BORN AGAIN) pour qu’il entre dans tous les tops d’artistes de comics. La suite de sa carrière, loin des comics mais toujours dans la BD et l’art graphique, a continué de démontrer la versatilité et le talent du bonhomme, dont la vidéo de cours sur le storytelling (cf Youtube) est très intéressante. Je l’ai découvert lors de son arrivée sur Daredevil (#215) avec un épisode évoquant le western et le cow-boy héroïque Two-Gun Kid.

Mazzucchelli y démontrait immédiatement ce qui allait faire sa force : une stylisation très graphique du réel. Moins épuré que par la suite, son encrage était déjà remarquable, précis sans être figé, avec pas mal de traits apportant une texture brute à l’ensemble. Puis, au fil des épisodes, les ombres ont commencé à être plus présentes et son trait semble s’être un peu épaissi. A l’épisode 220, on commençait à s’approcher du style qui allait exploser nos rétines dans Batman : Year one (sauf quand il était saccagé par un autre encreur que lui-même). Pour plus d’analyse de son style, n’hésitez pas à regarder ma vidéo consacrée à son passage sur la chauve-souris de Gotham.

A lire : Daredevil 215-217, 220-222, 225-226, Daredevil Born again, Batman : Year One.


Alex Toth

Alex Toth semble aussi peu connu du grand public qu’il est vénéré par de nombreux artistes de comics et de BD en général. Pourtant, si vous avez plus de 40 ans, vous avez, sans doute, déjà été exposé à son travail dans l’animation car il a été designer et storyboarder pour des séries animées tels que les 4 Fantastiques, Space Ghost, Super Friends (la Justice League version Hanna Barbera). Débutant sa carrière au milieu des années 40, Toth va bourlinguer d’un éditeur à un autre, mettant son talent au service de différents genres tels que l’horreur, le polar, la science-fiction, le récit de guerre, l’aventure. Certains se souviendront de ses planches sur les titres « Bravo pour l’aventure », « Zorro » ou « Torpedo ».

Ce qui est fascinant avec Toth, c’est qu’il semble être le père spirituel de très nombreux artistes tels que Chris Samnee, Francesco Francavilla, Leonardo Romero, Jordi Bernet et même Bruce Timm (cf le one-shot noir et blanc sur Double-Face de ce dernier). Alex Toth a eu une évolution graphique qui me fait penser un peu à Hugo Pratt, soit le passage d’une représentation réaliste et détaillée aux traits fins et précis, avant d’évoluer avec de la stylisation de plus en plus extrême, avec un encrage minimaliste et épais. Ce talent pour la synthèse explique aussi pourquoi il était aussi bon en matière de designs de personnages et de storyboard. Rien ne semblait inutile et ses caractérisations étaient à chaque fois précises sans être chargées. Je vous recommande à ce titre la série de livres sortie chez IDW et retraçant sa carrière, dont celui sur ses designs dans l’animation.

A lire : Torpedo, Bravo pour l’aventure, Alex Toth Genius Animated.