Hawkman (2018-) – Bryan Hitch

Ecrite par Robert Venditti et dessinée par l’illustre Bryan Hitch, cette série est probablement le meilleure titre DC Comics que vous n’avez pas lu ces deux dernières années.

Prenant à bras le corps la mythologie complexe de Carter Hall, le héros aux multiples vies / incarnations, le duo propose un récit épique, ambitieux, qui sait allier des visuels spectaculaires avec un parcours plus introspectif. Mais c’est surtout l’occasion de retrouver un Bryan Hitch au sommet de son art, après quelques déceptions (Fantastic Four avec Mark Millar, Age of Ultron avec Bendis).

Hawkman par Bryan Hitch (DC Comics)
Bryan Hitch, le maitre de la splash page

Synopsis

Carter Hall est un archéologiste, historien, aventurier et super-héros connu sous le nom de Hawkman. Membre de la Justice Society of America et de la Justice League, il est avant tout un esprit qui a connu plusieurs réincarnations à travers le temps, devenant à chaque fois une version différente de son alter-ego ailé.

Depuis son retour parmi les vivants (cf le run de Geoff Johns sur les séries JSA et Hawkman au début des années 2000), il pense avoir fait le tri dans ses vies passées. Pourtant, il garde l’impression tenace qu’il ne connait pas encore précisément sa propre histoire. Il sollicite l’aide de la magicienne Mme Xanadu pour tenter un rituel qui lui permettrait d’y voir plus clair. Il va alors découvrir que le processus de réincarnation qui rythme sa vie est plus complexe qu’il ne le pensait et qu’une terrible prophétie y semble liée…

Hawkman face à un cousin du T-Rex poilu du dos

Mon avis sur ce comics

« Wouaw »… C’est ce type très élaboré de critique graphique que j’ai souvent prononcé en découvrant les planches incroyables de ce comics. Aidé par pas moins de quatre encreurs et deux coloristes (dont Alex Sinclair), Bryan Hitch retrouve le souffle virtuose et la précision dans les détails qui m’avaient ébloui dans THE AUTHORITY (WILDSTORM / DC) puis dans THE ULTIMATES (MARVEL). Difficile d’ailleurs de ne pas sortir régulièrement du flot de la lecture pour admirer ces (simples ou doubles) splash-pages démentes ou ces séquences de combat chorégraphiées avec un sens du cadre et du rythme incroyable.

Le caractère « pulp » de l’aventure permet, en plus, à l’artiste de se frotter à des univers très différents et il passe avec une facilité déconcertante de temples antiques à des villes futuristes, de l’Égypte ancienne à des ambiances urbaines dans lesquelles il excelle. Mais Bryan Hitch nous rappelle aussi pourquoi il est un des meilleurs artistes de comics en nous livrant des combats de surhommes impressionnants, où son sens de l’anatomie crédibilise chaque coup, chaque posture.

Atom smashs !

Ce festin visuel permanent est déjà, en soit, une excellente raison d’acheter et de lire ce comics. Mais Robert Venditti fait lui aussi le job. Il propose un récit prenant, plein de rebondissements et d’action, qui sent bon le blockbuster malin et qui sait tirer parti – tout en la respectant – de la mythologie du personnage.

Mon seul regret ? Que ce titre passé un peu trop sous le radar n’existe que sous la forme de trade paperback ! Il mérite une édition plus prestigieuse, si possible en grand format !!!

Une ambiance pulp réaliste

HAWKMAN est un héros qui, au fil de ses réinventions, réincarnations et autres reboots, s’est retrouvé balloté dans de nombreux genres. Ses liens avec le peuple spatial des Thanagarians lui ont permis de vivre des aventures intergalactiques. Mais ses multiples vies à travers l’Histoire de la Terre lui ont aussi conféré des connaissances archéologiques à faire pâlir ce vieil Indy.

Ce « template » de l’aventurier baroudeur, bagarreur mais toujours à la recherche de reliques ou secrets antiques est d’ailleurs repris ici par les auteurs, à la sauce « super-héros ». Et c’est justement ce mix des genres « pulps » et « comics » qui me plait dans cette série. D’autant que le style de Bryan Hitch colle parfaitement à ces deux approches.

Hawkman par Bryan Hitch (DC Comics)

D’un côté, la capacité de l’artiste à proposer des restitutions réalistes et détaillées des environnements fait qu’il parvient à nous éblouir par son inventivité, tout en crédibilisant chaque décor, chaque technologie. HAWKMAN peut alors croiser des déités fantastiques ou des vaisseaux intergalactiques, tout est intégré visuellement par Hitch dans un tout cohérent aussi beau que dépaysant.

Quel plaisir aussi de le voir sortir des habituels environnements urbains qu’il a eu le loisir d’illustrer (brillamment, certes) dans ULTIMATES, FANTASTIC FOUR ou THE AUTHORITY. Entrainé par le récit rythmé de Venditti, Bryan Hitch ne recule devant aucun challenge et nous dépayse à longueur de pages dans un blockbuster généreux qui ferait passer AVATAR pour un épisode du COSMOSCHTROUMPF.

Des décors précis et crédibles

Mais attardons-nous justement sur ce sens incroyable des décors dans le travail de l’artiste. Bien évidemment, on se doute qu’il doit utiliser pas mal de références photographiques pour caractériser au mieux les lieux, notamment ceux qui sont connus ou reconnaissables. Mais d’autres le font aussi, alors pourquoi Hitch sort-il du lot, selon ?

Tout d’abord, grâce à la cohérence graphique avec laquelle il traite les personnages et les décors. Beaucoup d’artistes (y compris dans le manga) se ruent sur l’utilisation de modèles 3D ou de photos qu’ils retracent avec application mais souvent, avec une certaine technicité froide. On se retrouve alors avec un dessin presque industriel ou pire, une photo légèrement retouchée ou « filtrée » sous Photoshop. Bryan Hitch, lui, à l’intelligence d’encrer ses décors exactement comme le reste de sa page.

Avec les mêmes variations de traits et ses jeux d’ombres toujours subtils, il ne trace pas les décors mais veille à leur intégration cohérente dans la case. Ainsi, tout semble parfaitement en interaction et les personnages les plus fantastiques paraissent alors évoluer naturellement dans ces espaces sans que le lecteur ait une impression de décalage.

Hawkman par Bryan Hitch (DC Comics)

L’autre force de Hitch est qu’il pense ses décors non pas comme des « arrière-plans » mais comme de vrais lieux de vie qui contribuent aussi à raconter l’histoire. Dans la page ci-dessus, il nous montre en deux décors la double vie de Mme Xanadu. D’un côté, il y a ce bureau de spiritismes et de magie, avec ses grimoires, ses rouleaux d’incantations, ses bougies et objets magiques. Et de l’autre, il y a cette cuisine moderne, simple, épurée, qui contraste totalement avec le précédent décor. La modernité froide et pratique vs la richesse occulte et chaotique de l’ancien temps.

Remarquez enfin comment l’artiste prend aussi soin de ne pas surcharger inutilement ses décors. Tout y est dessiné avec précision mais il sait choisir le juste nombre de traits pour caractériser quelque chose, sans se sentir obligé de l’alourdir de traits de texture.

Des splash pages incroyables

Je ne suis généralement pas trop fan des comics qui tendent avant tout à barder leur storytelling de splash pages qui claquent. Sans doute parce que, traumatisé par les 90’s et leur obsession du « collector » ou de la page « qui rapportera des millions », j’ai vu cet outil visuellement intéressant venir bouffer la narration, quitte à laisser le lecteur à sa seule contemplation de quelques belles pin ups.

Mais dans HAWKMAN, Bryan Hitch m’a réconcilié avec le fait qu’il était possible d’offrir à la fois de magnifiques pleines pages qui mériteraient des posters et en même temps, un découpage de qualité sur les autres pages. Cette série est ainsi rythmée par des images extraordinaires telles que celle-ci :

Hawkman par Bryan Hitch (DC Comics)

Qu’elles soient utilisées pour des cliffhangers, pour magnifier des combats ou pour mettre en avant un personnage, ces pépites graphiques reposent souvent sur la mise en scène de personnages en action mais elles ne paraissent jamais redondantes. D’une part, parce que les pauses varient à chaque fois mais aussi parce que Hitch s’impose de composer un cadre avec de la profondeur pour en faire une vraie scène, pas seulement une pin-up.

Ces pages sont ainsi très facilement intégrées dans le récit et la narration et nous apparaissent comme une mise en exergue opportune d’un moment, comme un coup de boost visuel au storytelling. Rien que pour cela, HAWKMAN mériterait un format que les LIBRARY EDITION, les ABSOLUTE ou les ARTIST EDITION.

La virtuosité des combats aériens

Quiconque a, un jour, ouvert un comics de Bryan Hitch aura remarqué l’incroyable talent de l’artiste pour la chorégraphie de combats. Alors que les puissantes musculatures de ces personnages laisseraient à penser qu’il serait enclin, comme Jim Lee, à figer un peu trop ses postures, Hitch arrive, au contraire, à découper les mouvements avec une logique incroyable.

Bien sûr, sa maitrise de l’anatomie est indéniablement un atout et il n’y a aucune pose, aucun angle qui ne semble lui faire peur. Pourtant, je trouve que sa force vient deux autres techniques, peut-être plus discrètes mais plus efficaces selon moi.

Hawkman par Bryan Hitch (DC Comics)

La première est celle de la « saisie du mouvement intermédiaire ». Cherchez pas, je viens d’inventer cette expression et cela n’a aucune validité artistique. Mais c’est la meilleure façon que j’ai trouvée pour décrire cette capacité à représenter un mouvement qui n’est ni le début ni la fin d’une action mais qui pourtant, permet de deviner les deux.

Dans la page ci-dessus, case 1, on peut voir ce type de mouvement dans la pause d’HAWKMAN. Entre la chute sur son adversaire et le coup qu’il lui porte, le héros semble « photographié » une seconde avant l’impact. Notre cerveau est alors un peu obligé de travailler et on se prend presque à « lire » le mouvement qui va suivre ou qui précède. Cette technique est extrêmement complexe et quelques artistes arrivent à l’utiliser efficacement selon moi, comme le regretté Carlos Pacheco ou le rare mais incroyable Olivier Coipel.

La seconde technique est que Bryan Hitch varie énormément ses angles et sa profondeur pendant les scènes d’action. Sans jamais perdre en lisibilité et tout en gardant les enchainements fluides d’une case à une autre, il maintient le lecteur dans un rythme soutenu, en lui offrant de nombreux changements de points de vue.

Ainsi, ses scènes d’actions allient gros plans et plans larges, plongées et contre-plongées, destructions massives en scope et focus sur des détails. Je suis d’ailleurs toujours impressionné par la façon dont il maintient ce niveau de précision dans les rendus des décors et personnages de case en case, alors que beaucoup auraient la tentation de se focaliser sur une image clef et de gagner du temps sur le reste.

De l’action épique sans limite

Je terminerai avec une dernière qualité de ce comics que vous aurez sans doute devinée au vue des paragraphes précédents : HAWKMAN est visuellement un comics épique. Si vous pensiez que Bryan Hitch ne pouvait pas égaler les cités rasées de THE AUTHORITY ou la bataille homérique de la fin de ULTIMATES 2, sachez qu’ici il va encore vous surprendre. Mais différemment.

Car loin de céder à de la redite visant à détruire tout type d’environnements, Hitch se challenge autrement à travers des combats aériens aux multiples opposants ou des affrontements contre des titans gigantesques. Vous serez dans doute plus d’une fois scotché par l’avalanche de protagonistes et vos yeux ne seront parfois où donner de la tête.

Hawkman par Bryan Hitch (DC Comics)

Sous ses airs de récit d’aventures survitaminées, HAWKMAN va vous emporter dans une véritable tornade graphique qui allie parfaitement la folie visuelle du silver age et la modernité brutalement réaliste des comics post-90s. Le tout ponctué de scènes d’actions qui vous en feront tomber les plumes…

Conclusion

HAWKMAN est, pour moi, une pépite graphique injustement passée inaperçue alors que Bryan Hitch y est au top de sa forme ! Il est scandaleux de ne pas avoir de VF de ce titre et j’espère que DC se décidera à lui faire honneur dans une belle édition. En attendant, j’espère que cet article vous aura envie de lui donner sa chance et de vous régaler les mirettes. N’hésitez pas à venir me dire en commentaires ce que vous en aurez pensé !

Hawkman par Bryan Hitch (DC Comics)
Hawkman par Bryan Hitch (DC Comics)