Darwyn Cooke – Analyse de son style

Malheureusement parti trop tôt, le scénariste / artiste Darwyn Cooke laisse derrière lui des œuvres essentielles telles que Batman : Ego, Catwoman : Selina’s big score, The New Frontier, Before the Watchmen : The Minutemen et ses adaptations des romans de Richard Stark (alias Donald Westlake) autour du personnage de Parker.

J’ai déjà publié une vidéo dans laquelle je vous présente mon top de ses différents styles et je vous invite à aller y (re)découvrir la versatilité incroyable de cet homme. Mais au-delà de cette capacité à adapter son dessin au récit, il y a 4 autres raisons pour lesquelles j’aime le style graphique de Darwyn Cooke.

N°04 : son style est intemporel

(Batman « Déjà vu » ©DC Comics)

Si vous montrez les planches et dessins de Darwyn Cooke à une personne qui lit des comics depuis longtemps mais n’a pas la chance de le connaître, elle risque d’avoir du mal à situer l’époque à laquelle ces récits auront été publiés.

A première vue, la simplicité et la pureté de certaines formes et designs pourraient l’aiguiller vers les comics du Silver Age. Mais très vite, les techniques complexes de narration employées par Cooke lui laisseraient à penser que ce sont des œuvres plus modernes. Et elle aurait presque raison dans les deux cas.

Le style graphique de Darwyn Cooke est, en effet, intemporel car il ne correspond à aucune mode, aucune tendance, aucune école graphique précise. On peut évidemment y trouver des mains larges comme celles que dessinait Jack Kirby. Ou encore des designs rappelant les illustrations publicitaires des magazines des années 50 et 60.

(Jonah Hex ©DC Comics)

Mais ce style ne découle d’aucun des grands modèles des comics tels que Will Eisner, Neal Adams, John Byrne, Franck Miller, Jim Lee ou même Bruce Timm. Il est unique, car façonné à partir d’une large palette d’influences étalées sur plusieurs décennies, plusieurs médias, plusieurs arts graphiques. Ce n’est pas un style qui est né uniquement des comics et ce n’est donc pas un style qui s’inscrit dans l’histoire visuelle du medium.

Les pages de Darwyn Cooke pourront donc conserver leur beauté, leur pertinence et leur originalité dans 10, 20 ou 30 ans. Elles ne seront jamais ringardes ou datées car le temps n’a pas de prise sur elles.

N°03 : son style est adapté à l’imaginaire et au réel

(Parker – The Hunter ©IDW)

Certains esprits chagrins se trouvent parfois rebutés par les styles graphiques qui semblent trop tirer vers l’animation et pas assez vers le « réel ». Cela part bien souvent d’un présupposé qui veut que ce type de dessin ne permet de raconter que des histoires, au mieux, « pour enfants » ou au pire, puériles.

Darwyn Cooke a bien évidemment balayé ce préjugé en démontrant que son approche graphique épurée convenait aussi bien à du polar violent qu’à des récits historiques, horrifiques ou de science-fiction.

(Wonder Woman – Superman ©DC Comics)

Mais ce que je trouve surtout fascinant est la façon dont ce style parvient à faire cohabiter la représentation la plus dure de la réalité avec l’imaginaire le plus débridé des comics. La maxi-série The New Frontier est à ce titre l’exemple le plus parlant.

Le dessin de Darwyn Cooke nous fait passer avec une fluidité incroyable des rues violentes de Gotham à l’île mythique de Themyscira, des lynchages horribles perpétrés par le Ku Klux Klan aux profondeurs sauvages d’une île peuplée de dinosaures.

Ce miracle est tout simplement permis par le fait que l’artiste interprétait à chaque fois les éléments de son histoire avec le même mélange de recherche de la crédibilité et d’iconisation. Cela donne à l’ensemble une cohérence visuelle indéniable qui nous laisse voir, de la même façon, ce qui a été et ce qui n’existe pas.

N°02 : son storytelling change tout le temps

(Batman Universe ©DC Comics)

Darwyn Cooke a opté pour des approches différentes de son découpage à chaque histoire qu’il a mise en scène. Dans Batman : Ego, il a utilisé toutes les compositions possibles, de la splash-page à la grille en 9 cases, en passant par des constructions plus libres et variées.

Dans The New Frontier, il s’est imposé majoritairement un modèle en trois cases verticales par page, avec lequel il a su jouer sur plus de cinq cents pages !

Enfin, dans ses adaptations du cycle de romans de Parker, il a fait sauter les contours de cases pour se donner encore plus de liberté graphique et jouer avec la perception du lecteur quand à la composition des pages… et cela sans jamais nuire à la lecture !

(Before the Watchmen : the Minutemen©DC Comics)

Mais au-delà de ces expérimentations formelles, Darwyn Cooke savait mettre en scène, au plus pur sens du terme. Reproduisant à la perfection sur le papier des effets de montage cinématographiques, il dilatait le temps ou l’accélérait, créait des « fondus enchainés » et donnait l’illusion de zoom, travelling et autre mouvement « de caméra ».

Son langage de narrateur ne semblait avoir aucune limite et il ne racontait donc jamais les choses de la même façon.

N°01 : il savait capter l’essence absolue d’un personnage

(New Frontier ©DC Comics)

Je terminerai avec ce qui reste selon moi quelque chose de fondamental dans le style graphique de Cooke : l’authenticité de la représentation des personnages. Des visages aux vêtements, des postures aux accessoires, chaque fois qu’on découvrait son interprétation d’un personnage, elle semblait être LA bonne.

Avec une économie de traits toujours bluffante, il savait capter l’essentiel de ce qui définissait le personnage. Sa Wonder Woman était puissante mais bienveillante ; son Superman rassurant mais impressionnant ; son Batman méfiant mais juste. Et son Parker avait des mains de tueur et un visage qui en disait long sur les crimes qu’il avait commis.

(Black Cat ©Marvel Comics)

Darwyn Cooke ne semblait chercher ni un look « tendance », ni une « attitude bad-ass » pour ses héros. Il ne les faisait pas forcément beaux, musclés, sexy, grands ou même sympathiques. De Peter Parker à Wolverine, de Sam Bradley à Selina Kyle, il donnait l’impression de les dessiner en fonction de leur personnalité et non pas en fonction d’une simple apparence.

C’est la raison pour laquelle il était si simple de suivre ses récits : sa représentation des personnages était tellement juste qu’on se prenait à les suivre comme des êtres vivants imparfaits mais toujours un peu attachants.

[VIDEO] Découvrez mon analyse approfondie de BATMAN : EGO


[VIDEO] Découvrez mon analyse des différents styles graphiques de Darwyn Cooke


(Superman ©DC Comics)

Les œuvres de Darwyn Cooke à découvrir

Et vous ? Aimez-vous le style graphique de Darwyn Cooke ? Expliquez-moi tout ça en commentaires !