All-Star Superman est une mini-série en 12 épisodes publiée par DC Comics entre 2005 et 2008. On retrouve au scénario Grant Morrison et aux dessins Franck Quitely. Située hors de toute continuité, l’histoire raconte comment l’Homme d’Acier va faire face à une série de défis tous plus impressionnants les uns que les autres, après que sa récente exposition à des radiations solaires ait décuplé ses pouvoirs mais aussi réduit considérablement son espérance de vie.
Un bel hommage au silver age
All-Star Superman s’inspire aussi de la fantaisie de l’univers du héros dans les années 50 et 60 pour proposer un récit épique et intimiste, où la science la plus avancée côtoie des êtres mythologiques avec une cohérence et un naturel incroyable.
Le monde de Kal-El apparait alors comme celui où tout est possible et où la seule limite est l’imagination des auteurs et des artistes.
Mais ce qui donne beaucoup de singularité à ce titre, c’est le contraste et l’alchimie existant entre le scénario et le style visuel de Franck Quitely. J’ai découvert, pour ma part, ce dessinateur écossais lors de sa reprise de THE AUTHORITY à la suite de Bryan Hitch. J’ai ensuite remonté son œuvre sur Batman : the scottish connection et Flex Mentallo, tout en continuant de le suivre sur JLA Earth 2, New X-Men, Jupiter’s Legacy ou encore son formidable épisode de Multiversity.
Le style singulier de Franck Quitely
Quitely possède indéniablement un style atypique qui peut diviser dans l’univers des comics. Ses détracteurs pourront par exemple pointer du doigt la rondeur de ses héros, dont les muscles sont rarement saillants et dont les visages sont souvent des bouilles aux lèvres proéminentes.
On peut aussi constater que l’artiste simplifie très fréquemment ses décors et arrière-plans, quand il ne les supprime pas carrément.
Enfin, les traits du dessin de Quitely sont très fins et semblent souvent être des scans de ses crayonnés qu’on a foncés au maximum. Ses pages ne sont donc pas magnifiées par un encrage solide accentuant les volumes et il ne compose quasiment jamais de cases en utilisant des aplats de noir et des espaces négatifs.
Et pourtant, le style de Franck Quitely exerce sur moi une réelle fascination pour plusieurs raisons. Tout d’abord, tout y est d’une extrême précision : l’artiste ne surcharge jamais et mets juste ce qu’il faut de détails pour représenter une texture, une technologie ou une destruction.
Des atouts graphiques uniques
Avec un talent insolent, il parvient toujours à trouver un équilibre entre des éléments dessinés avec un incroyable réalisme et des zones épurées. L’œil du lecteur est donc nourri, tour à tour, de petits détails très poussés et de cases presque vides, ce qui confère aux pages une sorte de rythme invisible du fait de la variation permanente qu’elles imposent à notre attention.
Le deuxième aspect du travail de Quitely que je trouve fascinant, c’est sa gestion spatiale « de la scène » sur laquelle il fait évoluer ses personnages. Optant très souvent pour des légères plongées ou contre-plongées, il ne recule devant aucune perspective pour donner de la profondeur de champ à bon nombre de ses cases.
Il possède ainsi cette marque de fabrique qui consiste à positionner ses protagonistes dans un décor comme s’ils étaient des figurines dans une maquette.
Qu’ils soient les pieds bien posés sur le sol, assis ou en lévitation, le volume que Franck Quitely parvient toujours à leur donner renforce l’illusion de ne pas regarder des cases plates mais bien des fenêtres ouvertes sur des univers tridimensionnels.
Franck Quitely, un maître du storytelling
Enfin, je trouve que le talent principal de l’artiste réside dans son storytelling et plus particulièrement dans sa gestion du mouvement.
Quitely possède une façon bien à lui de représenter la vitesse, les impacts et les déplacements des personnages, qui n’empruntent pas forcément aux codes graphiques habituels du comics ou même du manga.
Il n’utilise, par exemple, jamais de speedlines ou de même de traits de mouvements. Il ne joue pas non plus sur des cases décadrées ou alambiquées, ni même sur les déformations exagérées des corps.
Et pourtant, il est un des meilleurs selon moi lorsqu’il s’agit de restituer l’extrême vitesse des super-héros ou encore la violence des impacts qui ponctuent leurs affrontements.
Pour cela, il recourt souvent à trois techniques :
- Tout d’abord, il restitue avec beaucoup de détails les destructions causées en utilisant les débris multiples pour signifier l’axe du mouvement et ainsi en suggérer la puissance de leur exécution.
- Puis, il s’arrange souvent pour représenter un élément en train de bouger, y compris dans des scènes statiques : cela peut-être une mèche de cheveux, un objet du décor, une flexion de corps ou même une expression faciale.
- Enfin, et c’est mon astuce préférée, il parvient souvent à proposer pour ses personnages des poses extrêmement dynamiques, qui correspondent à un moment clef du mouvement qui ne se situe ni au début ni à la fin de ce dernier mais en plein milieu. Cela donne alors l’impression qu’on contemple une fraction de seconde de l’action : comme s’il venait de nous donner non pas une simple image fixe mais une image que l’on devine extraite d’une série d’images décomposant le mouvement voulu.
En conclusion
Le style de Franck Quitely apporte donc une touche de modernité et d’étrangeté unique à ce récit de Superman. Même si ce n’est pas forcément son meilleur comics selon moi (notamment à cause de la colorisation), ALL-STAR SUPERMAN reste une proposition graphique originale et passionnante à examiner.
