Thor – Par Mike Deodato Jr


Mike Deodato Jr est un artiste brésilien qui arrive sur Thor en octobre 1995, avec l’épisode 491. Sur un scénario de Warren Ellis, l’artiste va faire entrer le fils d’Odin dans la « modernité » de l’époque, à savoir une ère des comics fortement influencée par les forces (et les excès) du jeune éditeur IMAGE COMICS. Il faut savoir (ou se souvenir) que, à l’époque, Marvel traversait une phase compliquée. Malgré les succès retentissants de ses X-Men 01 par Jim Lee, X-Force 01 par Rob Liefeld et Spider-Man 01 par Todd McFarlane, l’éditeur n’avait pas su garder ses nouvelles stars, qui avaient depuis claqué la porte pour aller fonder leur propre label, avec leurs propres personnages et séries.


Thor est à terre
Thor est à terre

C’est ainsi que les séries Spawn (McFarlane), Wild C.A.T.S (Lee) et Youngblood (Liefeld) vinrent mettre un gros coup de pied stylistique dans la fourmilière du genre super-héroïque. Suivis de Shadowhawk de Jim Valentino, Savage Dragon d’Erik Larsen et Cyber Force de Marc Silvestri, ces comics lancèrent ni plus ni moins qu’une révolution graphique tout en musculature énorme, technologie démesurée et violence soutenue. Les pages des productions Marvel et DC semblèrent alors ringardisées immédiatement et il ne fallut pas attendre longtemps pour voir les deux éditeurs pousser gentiment mais surement leurs artistes à « s’inspirer » de l’énergie des styles d’IMAGE COMICS.

Et c’est ainsi que Mike Deodato Jr arrive avec une approche de Thor dans la droite ligne des surhommes de la nouvelle concurrence.


Ce que j’aime

Indéniablement, le Thor de l’artiste brésilien dégage une puissance rare. Sa musculature est impressionnante, sa chevelure sauvage et le personnage arbore le plus clair de son temps un visage oscillant entre tension, colère, rage et et fureur (là encore une marque de fabrique de Lee et Liefeld.). Cette approche exagérée était totalement dans l’époque mais collait aussi finalement avec le personnage, censé être un guerrier assez badass.

On retrouve d’ailleurs le même type de traitement pour le personnage de l’Enchanteresse (l’asgardienne prénommée Amora, mais sans lien avec la moutarde.). Deodato utilise tout l’arsenal classique de l’époque : jambes démesurément longues, taille fine et cambrée, buste généreux et chevelure épaisse. La sorcière jouant un rôle important dans l’intrigue, l’artiste ne va rater aucune occasion de la mettre en valeur pour faire pétiller les yeux des lecteurs.

Enfin, je peux saluer (un peu) le costume que Deodato Jr a designé à la demande de Marvel. Bien que cité très souvent dans les listes des pires relooking de super-héros, on peut admettre que, mis à part l’idée du « crop top » dévoilant le nombril du héros, ce nouvel accoutrement donne un côté imposant à Thor, en reprenant les codes les plus en vogue à l’époque (larges épaulettes façon Liefeld, cape gigantesque et chaine façon McFarlane.).


Ce que j’aime moins

Il serait assez facile de dire que les pages de Mike Deodato Jr ont les défauts de leurs qualités. Car avec ce lourd poids des influences graphiques des 90s, les lecteurs pourront trouver désormais l’ensemble trop exagéré, trop cliché et parsemé de fautes de goûts (notamment vestimentaires !).

Pour moi, les limites se situent surtout au niveau du storytelling et de la qualité trop variable des cases. En effet, l’essor des dessinateurs-stars des années 90 a amené bon nombre d’entre eux à privilégier la réalisation de pages proposant des pin-ups des héros, afin d’en augmenter la valeur lors de la revente de l’original. Les autres cases pouvaient alors être sacrifiées, voir réduites à des dessins moins soignés ou détaillés. On retrouve ici cette impression tout au long des épisodes, avec un accent mis sur les combats et les pauses héroïques, au détriment de la transmission des émotions à travers le « jeu » des personnages.

Les découpages sont ainsi assez chaotiques, parfois difficiles à lire même, tant les cases se superposent et s’entrechoquent parfois. Certes, l’énergie est là mais la narration par l’image, elle, est souvent laissée sur le bord de la route (ou du Pont Arc-en-ciel, si vous voulez).